Yeux secs : comment améliorer le confort oculaire ?
La sécheresse oculaire est une problématique désagréable que rencontre un nombre croissant de personnes, à tel point qu’elle devient un problème de santé publique. En cause, notamment, l’évolution de nos modes de vie. Les glandes lacrymales permettent de produire et d’évacuer les larmes, dont le rôle est essentiel. Le film lacrymal constitue une interface entre l'œil et l’environnement extérieur. Les yeux secs peuvent être liés à une insuffisance de production de larmes ou un excès d’évaporation. Les larmes artificielles représentent une bonne arme de traitement de la sécheresse oculaire. De plus, la micronutrition possède un réel intérêt notamment pour pallier le phénomène de stress oxydatif désormais bien identifié dans cette problématique.
Anatomie du système lacrymal et composition des larmes
Les glandes lacrymales
Sous chaque paupière supérieure se trouvent 2 glandes lacrymales (principale et accessoire) qui sécrètent un liquide équivalent à une solution saline, mais contient aussi des protéines, du glucose… De minuscules canaux acheminent cette substance vers la surface de l'œil.
Les paupières, par leur clignement, permettent de répartir ce liquide sur toute la surface de l'œil. C’est par le même mécanisme de clignement que le liquide est évacué par le point d’entrée des voies lacrymales. Il s’écoule ensuite par canal qui se termine dans les fosses nasales.
Les glandes de Meibomius
D’autres glandes importantes sont situées dans l’épaisseur des paupières : les glandes de Meibomius. Leurs pores de drainage débouchent sur le bord de la paupière à proximité de la racine des cils. Ces glandes participent également à la production des larmes et en particulier dans sa composition en lipides. Les pathologies des glandes de Meibomius sont désormais associées à un terme regroupant les pathologies qui les concernent : la dysfonction des glandes de Meibomius (DGM).
Une composition essentielle
La bonne qualité du film lacrymal repose donc sur un fonctionnement adéquat des structures qui les fabriquent. En cas de dysfonctionnement d’un de ces systèmes, l’équilibre de la composition physiologique des larmes est rompu. Chaque constituant présente un intérêt. La richesse en gras évite notamment une évaporation trop rapide des larmes et facilite un bon glissement des paupières sur le globe. Les protéines permettent l’adhérence à la surface de l’œil.
Le rôle des larmes
Le film lacrymal remplit plusieurs fonctions :
- il lubrifie l'œil en créant une surface lisse sur la cornée, sur laquelle les paupières peuvent facilement glisser ;
- il nourrit la cornée, car cette dernière est dépourvue de vaisseaux sanguins et reçoit donc des nutriments à travers le film lacrymal ;
- il protège l'œil des infections et élimine les impuretés qui peuvent s’y déposer.
Il est possible de distinguer deux formes principales de sécheresse oculaire : celles liées à un défaut de sécrétion et celles imputables à un excès d'évaporation.
Les symptômes de l’oeil sec
La sécheresse oculaire entraîne un inconfort pouvant se traduire par une sensation de grains de sable, des démangeaisons, des brûlures ou des picotements au niveau de la surface oculaire. Elle peut également occasionner une sensibilité à la lumière et provoquer une rougeur des yeux ou du bord des paupières.
Signes cliniques et diagnostic
Les symptômes qui constituent la plainte ne sont pas toujours le reflet de l’atteinte clinique. Autrement dit, il n’est pas toujours aisé d’établir une corrélation entre les symptômes et les signes cliniques visibles à l’examen.
Il est primordial de réaliser un examen clinique précis, notamment pour visualiser l’atteinte des structures superficielles de l'œil.
Afin de faciliter les indications de traitements, une classification a été établie par l’ODYSSEY European consensus group(1). 14 critères y sont pris en compte afin de déterminer au mieux la sévérité de l’atteinte et donc la thérapeutique à mettre en place. L’ensemble de ces critères définit différents scores et oriente le diagnostic sous forme d’un arbre décisionnel.
La sécheresse oculaire peut conduire à diverses complications parmi lesquelles l’irritation de la cornée et les infections oculaires sont les plus fréquentes.
Les causes de la sécheresse oculaire
Les motifs de consultation pour sécheresse oculaire représentent entre 15 et 25 % des fréquentations en cabinet d’ophtalmologie. Ce phénomène a toujours existé mais il a pris beaucoup plus d’ampleur(2)
Les facteurs extérieurs
Ces dernières années, des facteurs environnementaux, nutritionnels et d’hygiène de vie sont mis en cause. Ainsi, les gaz d’échappement, l’air sec avec la climatisation ou certains modes de chauffage, les courants d’air… peuvent favoriser la survenue d’une sécheresse oculaire.
Le travail sur écran sur une durée quotidienne supérieure à 7h représente un facteur de risque de développer des symptômes d'œil sec.
Le tabagisme joue également un rôle négatif, d’une part à cause de la fumée, mais également du fait du stress oxydatif qu’il engendre.
Le port de lentilles de contact
Les symptômes d’irritation oculaire sont fréquents chez les porteurs de lentilles. La sécheresse oculaire chez les porteurs de lentilles représente un risque réel de lésions à terme. Il est alors conseillé de limiter voire supprimer le temps de port de lentilles. Dans 12% des cas, cet inconfort lié au port des lentilles conduit à l’arrêt de leur utilisation. Une solution de correction par laser peut être proposée si la personne est une bonne candidate pour ce type de traitement.
Certaines maladies chroniques
La sécheresse oculaire peut être liée à certaines maladies auto-immunes (la polyarthrite rhumatoïde, le lupus…). Et elle peut s’associer à une sécheresse de la bouche dans le syndrome de Gougerot-Sjögren.
L’acné rosacée est assez caractéristique car le bord des paupières est rouge et il y a des plaques rouges sur les joues et une couperose.
La prise de certains médicaments et les autres causes
La sécheresse peut être liée à la prise de médicaments du fait de leur mécanisme d’action. C’est le cas, par exemple, de certains antidépresseurs ou des traitements hormonaux. L’âge, la ménopause ou l'andropause, les anomalies de la morphologie des paupières… sont également des facteurs qui peuvent provoquer ou aggraver une cause déjà déterminée.
Les traitements de la sécheresse oculaire
Éliminer les facteurs déclenchants et adapter l’environnement
Il est impératif, dans un premier temps, de rechercher les facteurs favorisants de la sécheresse.
En effet, certaines mesures peuvent être prises, lorsque cela est possible, pour atténuer les désagréments :
● réduire les temps d’exposition aux environnements secs : climatisation, etc.
● éviter les environnements toxiques : tabac, pollution intérieure et extérieure
● limiter les contextes d’efforts de fixation : écran d’ordinateur, lecture, télévision…
Compenser le film lacrymal avec des traitements locaux
L’instillation de collyres hydratants épais, appelés larmes artificielles, constitue une solution habituelle pour calmer les symptômes. Ces traitements substitutifs lacrymaux ont pour vocation de compenser l'hydratation des yeux et de lutter contre la sécheresse oculaire. Leur efficacité permet de soulager les symptômes à condition d’être bien employé. En effet, le fait qu’ils se présentent sous forme de gel visqueux peut occasionner des dépôts plus ou moins désagréables. Les propriétés varient d’un produit à l’autre. Il en existe des plus ou moins visqueux et il faut parfois plusieurs essais pour trouver la consistance qui convient le mieux à une personne en particulier. Pour la nuit, la forme pommade peut être indiquée pour une action sur la durée du sommeil.
La micronutrition et la lutte contre le stress oxydatif
Un cercle vicieux à enrayer
Les larmes étant issues d’une sécrétion de l’organisme, on peut imaginer que leur composition soit un reflet du fonctionnement biochimique de celui-ci. La sécheresse oculaire génère un stress oxydatif entraînant une production accrue de radicaux libres et conduisant à un état d’inflammation chronique à la surface de l'œil. Il se produit alors un cercle vicieux d’auto-entretien des processus inflammatoires du fait des dommages cellulaires et de l'activation du système immunitaire.
Les omégas-3 pour enrichir la composition des larmes
Des études ont montré une corrélation positive entre la prise d’omégas-3 (contre placebo) sur la diminution des symptômes et signes de la sécheresse oculaire(3).
Les omégas-3 permettent de lutter contre l’inflammation et empêchent l’apoptose, c’est-à-dire la mort des cellules, en l’occurrence celles qui sécrètent, au niveau de l'œil, les composants nécessaires au film lacrymal(4).
Les antioxydants pour enrayer l’inflammation et réparer la surface de l’oeil
L’apport d’antioxydants a pour vocation d’enrayer le stress oxydatif. La fine couche (appelée épithélium) de la surface oculaire, est une zone d’échanges nutritionnels. Afin de lutter contre ces dommages, plusieurs micronutriments, connus pour leur action antioxydante, sont désormais bien connus.
Une formulation très récente a été mise au point, contenant notamment des polyphénols, des vitamines A et E, et permettrait d’obtenir des résultats prometteurs(5).
Une étude de 2017 suggère également qu’une carence en vitamine B12 pourrait aggraver les symptômes de sécheresse oculaire(6). S’assurer de l’absence de déficit en cette vitamine chez les patients souffrant de sécheresse oculaire et, le cas échéant, la supplémenter, serait donc intéressant.
Sur la base de ces connaissances, les compléments alimentaires antioxydants se révèlent donc comme une option de traitement complémentaire de la sécheresse oculaire.
Sources :
1. Baudouin C, Aragona P, Van Setten G, Rolando M, Irkeç M, Benítez del Castillo J, et al. Diagnosing the severity of dry eye: a clear and practical algorithm. Br J Ophthalmol. sept 2014;98(9):1168‑76.
2. Sergheraert L. Le syndrome de l’œil sec, une pathologie en forte progression. Actual Pharm. févr 2022;61(613):35‑8.
3. Giannaccare G, Pellegrini M, Sebastiani S, Bernabei F, Roda M, Taroni L, et al. Efficacy of Omega-3 Fatty Acid Supplementation for Treatment of Dry Eye Disease: A Meta-Analysis of Randomized Clinical Trials. Cornea. mai 2019;38(5):565‑73.
4. Roncone M, Bartlett H, Eperjesi F. Essential fatty acids for dry eye: A review. Contact Lens Anterior Eye. 1 avr 2010;33(2):49‑54.
5. Ng D, Altamirano-Vallejo JC, Gonzalez-De la Rosa A, Navarro-Partida J, Valdez-Garcia JE, Acosta-Gonzalez R, et al. An Oral Polyphenol Formulation to Modulate the Ocular Surface Inflammatory Process and to Improve the Symptomatology Associated with Dry Eye Disease. Nutrients. 7 août 2022;14(15):3236.
6. Ozen S, Ozer MA, Akdemir MO. Vitamin B12 deficiency evaluation and treatment in severe dry eye disease with neuropathic ocular pain. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol Albrecht Von Graefes Arch Klin Exp Ophthalmol. juin 2017;255(6):1173‑7.
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